Les chroniques syriennes d’Abdulrahman Khallouf

Enfant d'Alep - Syrie. ©Nicolas T. Camoisson

Enfant d’Alep – Syrie. ©Nicolas T. Camoisson

 À défaut de vous livrer tout le programme d’un seul trait, vous raconter un peu ce que nos auteurs concoctent… Parce que le premier des bonheurs pour une maison d’édition, ce sont bien ces rencontres avec des voix et des regards qui ouvrent plus encore nos fenêtres vers le monde.

Vous parler donc, pour commencer d’Abdulrahman Khallouf.
C’est un homme pressé. Pressé d’apprendre, de lire, d’écrire et de dire. D’être debout pour partager.
Peut-être est-ce lié à la musique que faisaient les lettres, dans son esprit d’enfant, peut-être aussi que c’est à force de fouiller, de creuser dans les différents domaines de l’écriture et de la scène… Mais, en tous les cas, il y a dans le sillon d’Abdulrahman Khallouf, son horizon à lui, la nécessité du dépassement et le désir d’une écriture qui va, puisant dans toutes les mémoires, pour atteindre l’autre par le souffle profond de la voix.
Depuis qu’il a quitté Damas, déjà formé aux Arts Dramatiques, Abdulrahman Khallouf écrit et met en scène, va de la page vers le public, puis du regard de l’autre vers la page. Que ce soit dans la mise en scène de Secret de Famille ou dans l’écriture de la pièce Sous le pont (à paraître en février 2017 aux éditions Moires) Abdulrahman Khallouf nous emmène avec lui vers l’exil, la solitude, le refuge aussi et la question, biaisée d’office, de l’identité d’un statut qui ne dirait que ce mot « réfugié ». À nouveau ainsi, on franchit des ponts.

Ne parle pas sur nous. Chroniques syriennes paraîtra en mars 2017 dans la collection Un Pas de Côté.

C’est l’histoire d’une histoire bousculée, piégée un peu aussi, par le cours de l’Histoire, celle avec le grand H, celle qui s’emballe souvent et qui fait mal, souvent aussi. C’est une histoire oui, ou plutôt des chroniques qu’Abdulrahman Khallouf a rattrapées au bout de sa mémoire. C’est aussi une volonté forte d’écriture. Il fallait bien se mettre en marche, aller plus loin encore que l’exil et tenter une entrée dans cet autre pays qu’est la langue quand elle se fait multiple de cultures et de paysages.

Ne parle pas sur nous. Chroniques syriennes ne raconte pas la Syrie d’aujourd’hui, brisée de partout, mais celle d’avant la guerre qu’Abdulrahman Khallouf réveille à travers les yeux d’un enfant qui y grandit. Cette Syrie effacée brutalement aujourd’hui, toujours méconnue, avec ses misères, ses cloisons, ses douceurs aussi.
Tout est vrai ici, la fiction n’est pas de mise. Les paysages et la vie au quotidien, entre Lattaquié et Damas, de l’enfant d’une famille alaouite qui se débat pour survivre disent la violence imposée à un peuple pétri de poésie et de lumière pourtant.
En filigrane, il y a cet exil souhaité, rêvé même par l’auteur, distance salvatrice et blessure sans baume. Et du fond de l’exil, l’urgence d’écrire, au-delà des injonctions de silence, pour ne plus taire son pays, son histoire, ses histoires et son peuple.